![]() |
Préault La Tuerie, 1834, musée d'Orsay, Paris |
Les romantiques n'hésitent pas à affirmer leur caractère d'opposants. Jonathan Ribner, chercheur à l'université de Boston, interprète ainsi le bas-relief La Tuerie d'Auguste Préault, répondant à ceux que Henri de Triqueti avait réalisé en 1833, un an avant que Préault expose son plâtre. Triqueti avait en effet exécuté deux sculptures en bas-relief pour l'actuelle salle Casimir-Perrier du Palais Bourbon : l'une sur les lois protectrices, l'autre sur les lois vengeresses. Or, il est possible d'établir de nombreux parallèles entre ce dernier bas-relief et celui de Préault.
La Tuerie semble condenser les effets des lois vengeresses : les personnages que répriment les glaives judiciaires chez Triqueti sont repris chez Préault dans un format plus restreint, comme pris dans un espace de douleur. C'est le résultat de la vengeance monstrueuse préconisée par l'Etat que Préault représente. Parmi les personnages réutilisés, les deux femmes à terre à droite des lois vengeresses se voient dotées d'une expression plus aiguë chez Préault, sans compter que l'une d'elle serre un bébé mort contre elle, ajout qui souligne la cruauté des lois. L'usage du bronze noirci chez Préault s'oppose à la blancheur du marbre de Triqueti. Les deux aspects d'une même chose s'affrontent : les répressions sont blanches et pures au nom de la justice, mais sombres et abjectes du point de vue de l'humanité.
Le titre des oeuvres est également inséré dans les sculptures d'une façon comparable : gravé en lettres majuscules, au centre en haut, celui de Préault est poussé par la tête de la femme, témoin de la compression dont les personnages sont les victimes, mais surtout du peu d'attention accordée à ce mot. TUERIE est caché, estompé, écrit à main levée comme s'il ne fallait pas officiellement en faire usage. Petit, il veut se faire oublier et ne surtout pas titrer l'oeuvre et ce qu'elle désigne. Au contraire LEX est bien visible dans l'oeuvre de Triqueti : ce mot est dans un espace dégagé, bien visible, en grandes lettres d'imprimerie, comme s'il fallait reproduire ce mot justificatif à l'infini.
Ce pourrait donc bien être contre les prétentions d'une monarchie restaurée et jugée oppressive que Préault dénonce l'abus d'un terme législatif.
![]() |
H. de Triqueti, Lois Vengeresses, 1833-34, salle Casimir Perrier, Palais Bourbon, Paris |