L'artiste français Jean-Baptiste Carpeaux sculpta ce groupe de danseurs pour la façade de l'Opéra. Il est mis en place avec trois autres sculptures en 1869.
Ce qui eut pour conséquence un scandale immédiat.
Certains pères de famille refusèrent dès lors d'emmener leurs filles à l'Opéra. La sculpture était jugée profondément indécente, correspondant davantage à des lieux peu fréquentables pour la bonne société parisienne.
S'éloignant des conventions académiques, cette oeuvre reflète certaines facettes du romantisme, dont la moindre n'est pas l'excès de vie qui s'en dégage.
Un premier élément apte à gêner la société bien pensante est la nudité des personnages, une nudité affichée et fière. Il ne s'agit pas de corps académiques à contempler simplement, mais de corps qui jouissent d'eux-mêmes. La ronde permet au sculpteur d'envisager toutes les postures, toutes les façons d'exprimer le plaisir du corps en mouvement. Les deux femmes sur le devant montrent à elles deux au spectateur la totalité du corps féminin. Celle de gauche dévoile le buste, cachant son intimité d'une jambe faussement pudique (la pudeur est contredite par le plaisir de la tête rejetée en arrière) participant au mouvement global. Celle de droite montre l'arrière du corps, les jambes pliées soulignent la présence des fesses pour le spectateur en contrebas. D'autant plus que son visage ravi est tourné vers l'extérieur, comme si elle cherchait à jauger de son effet et en riait.
La femme sur la gauche, plus introvertie, ferme la ronde. A ses pieds, un masque de la tragédie fait écho à son visage. Pourtant, il s'agit encore d'une monstration du corps en tant qu'objet de jouissances. Sa pose est alanguie contre la façade, son visage est tourné lui aussi vers les spectateurs en contrebas. Si les deux femmes de devant dansent follement, celle qui se cache pourrait être en train d'exécuter un ballet, comme le mouvement de ses bras l'incite à penser. En même temps, les mains s'égarent son son corps gracieux, son sein repose sur le bras de sa voisine.
A part elle, les autres personnage ont le rire en commun. C'est un deuxième élément de scandale. Non seulement les corps s'affichent, mais ils en rient. L'académisme et la religion interdisent le rire, longtemps considéré comme marque de la folie si ce n'est du malin : "Malheur à ceux qui rient, parce qu'ils pleureront !" (Luc, V, 25)
Or, ces personnages rient allègrement. D'une façon presque inquiétante.
La femme qui se tient dans l'ombre, derrière le danseur central, est particulièrement ambiguë : que traduit véritablement l'expression de son visage ? S'agit-il de joie partagée avec le reste du groupe, ou d'un sourire sournois ? C'est la seule femme habillée, son ventre semble gonflé, son sein droit est dénudé. Est-elle le répondant du Cupidon caché entre les jambes des danseuses ? Après l'amour et la jouissance, la grossesse. Le visage surpris d'une jeune fille derrière le danseur central émerge à peine de l'ombre, au-dessus de l'épaule de la femme.